La crise née du scrutin de novembre entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu président élu par la communauté internationale, menace chaque jour de virer à la guerre civile. À Abidjan, les quartiers sont progressivement gagnés par les combats entre forces armées fidèles au président sortant et insurgés pro-Ouattara.
À la gare routière d'Adjamé (nord), la plus grande de la ville, comme à celle de Yopougon (ouest), une foule de familles, dont beaucoup de femmes et d'enfants, attendaient leur tour samedi matin pour monter dans des cars, emportant bagages, sacs et même appareils électro-ménagers, pour se "mettre à l'abri" dans leur village.
Certains avaient passé la nuit sur place, sans parvenir encore à quitter la ville.
"J'ai peur. Je quitte Abidjan pour me réfugier au village", a déclaré Marguerite, entourée de ses quatre enfants.
"La consigne est claire, il faut quitter Abidjan, on nous demande de partir", explique Tanoh, sans en dire davantage sur cette "consigne". "J'ai vu des cadavres dans mon quartier. Je ne supporte pas".
Depuis le début de la crise post-électorale, près de 500 000 personnes ont fui leur habitation, dont 200 000 ayant quitté Abidjan et 90 000 qui se sont réfugiées au Liberia, plongeant le pays dans une grave crise humanitaire, en particulier depuis la flambée des violences à la mi-février.
Appelé à céder la place par l'Union africaine, M. Gbagbo s'est dit vendredi prêt à envisager un "schéma de dialogue interivoirien" pour mettre fin à la crise mais n'a pas précisé ce qui pourrait selon lui être discuté.
Il a exhorté les combattants du camp Ouattara, des "rebelles" à ses yeux, à déposer les armes.
Son ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, chef des "jeunes patriotes" pro-Gbagbo, devait tenir un meeting dans l'après-midi à Yopougon, considéré comme un bastion du président sortant.
Il avait promis lundi, après le dernier sommet de l'UA qui a consacré l'impasse politique, de lancer un "appel historique" à la mobilisation pour "libérer la Côte d'Ivoire".
Rien n'a filtré pour l'heure du contenu de ce message mais, par la voix du porte-parole de son gouvernement, Laurent Gbagbo lui-même a déjà interpellé la population.
Il a réclamé "une plus grande responsabilité et une plus grande collaboration" entre les citoyens et les Forces de défense et de sécurité (FDS), pour que "les présences suspectes" soient "neutralisées".
Dans Abidjan où la vie semblait dans certains quartiers suspendue, la tension était très forte. Les violences depuis le début de la crise ont déjà fait près de 440 morts, selon l'ONU.
Epicentre de la crise et base des insurgés, le quartier d'Abobo a été de nouveau la cible de tirs à l'arme lourde vendredi soir, ont rapporté des habitants.
"On a encore entendu des coups de canon vers 21h00 (locales et GMT), non loin de chez nous", a dit une résidente. "Comme chaque nuit, on vit dans la peur, enfermés chez nous. Je crois que je vais finir par quitter le quartier. Mais le problème, c'est que je n'ai pas de parents à Abidjan et je ne sais pas où aller".
Entre 25 et 30 civils avaient été tués jeudi, selon l'ONU, par des tirs de mortiers des "forces armées du camp" Gbagbo, suscitant une large réprobation internationale.
Le gouvernement Gbagbo a démenti toute implication des FDS et dénoncé un "complot" et une "synergie entre l'ONU, la France, les rebelles contre la Côte d'Ivoire".
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