vendredi 11 mars 2011

Dans Abobo,quartier rebelle!

REPORTAGE - Des combats ont lieu chaque jour dans cette cité d'Abidjan, fief des partisans d'Alassane Ouattara.


De notre envoyé spécial à Abidjan,Le Figaro


Passé le portail de fer gris qui clôture cette ruelle de terre battue, on en viendrait presque à douter qu'Abobo vit depuis bientôt deux mois au rythme des affrontements entre partisans du président élu, Alassane Ouattara, et forces de l'ordre loyales à Laurent Gbagbo.


 Au pied des baraques coiffées de tôle, une ribambelle d'enfants gambade au milieu des chèvres tandis que des femmes au regard las vaquent aux tâches ménagères. Dans la pénombre de la pièce à vivre, les hommes de la famille Koné devisent avec gravité de l'avenir de la Côte d'Ivoire et saluent le «courage» d'Alassane Ouattara. «Même si c'est risqué pour lui, il a eu raison de se rendre à Addis Abeba pour y rencontrer les chefs d'État de l'Union africaine», estime un ami de la famille, Abou Kourouma. Lorsque, soudain, des coups de feu claquent à l'extérieur, Tesse, le patriarche, se penche machinalement sur sa montre. «11 heures, lâche-t-il, consterné. Ils n'attendent même plus le début d'après-midi pour commencer à tirer.»
Théâtre d'une insurrection qui ne cesse de prendre de l'ampleur malgré la répression opérée par les Forces de défense et de sécurité, l'immense bidonville d'Abobo, situé dans la banlieue nord d'Abidjan, semble par la force des choses s'être accoutumé à ces combats quotidiens. Pour y pénétrer, il faut franchir un premier barrage tenu par de jeunes supporteurs encagoulés d'Alassane Ouattara puis zigzaguer entre les épaves de voiture calcinées. «Les contrôles sont assurés par les petits mais les soldats du commando invisible ne sont jamais bien loin, prêts à intervenir en cas de problème», assurent la population. À l'entendre, ces combattants issus des Forces nouvelles, qui  
occupent la moitié nord du pays depuis la tentative de coup d'État du 19 septembre 2002, auraient discrètement gagné Abobo au cours des dernières semaines afin d'y harceler la police de Laurent Gbagbo.

L'espoir d'une solution diplomatique


«Nous ne nous laisserons pas tuer sans résister par les hommes de Gbagbo», justifie Tesse Koné, qui se dit « très fatigué » par l'interminable crise postélectorale imposée à la Côte d'Ivoire. Comme la majorité des habitants de ce faubourg tentaculaire, ce chauffeur routier est un ardent partisan d'Alassane Ouattara, dont l'élection a été reconnue par les Nations unies. «Gbagbo doit partir», plaide aussi son fils, Lassina. Le menuisier Driss Fofana, venu en voisin, espère quant à lui que «la situation va vite se débloquer». «Voici presque un mois que je ne suis pas allé travailler à cause des combats», s'inquiète-t-il. Sur les murs d'une épicerie située cent mètres plus loin, plusieurs dizaines d'impacts de balle témoignent des combats qui ont récemment embrasé le quartier. Exaspérés par l'attitude de Laurent Gbagbo, qui se cramponne au pouvoir depuis l'élection du 28 novembre, Tesse Koné et ses amis veulent encore croire à une solution diplomatique. Peu importe, à leurs yeux, que le camp Gbagbo ait rejeté jeudi les propositions formulées par l'Union africaine à Addis Abeba. «L'essentiel, c'est que l'élection d'Alassane Ouattara ait été reconnue par les autres chefs d'État africains», jure Lassina.

L'interdiction faite aux hélicoptères de l'Onuci et de la force française Licorne de survoler le sol ivoirien, dernière trouvaille en date du camp Gbagbo, ne semble pas davantage émouvoir les habitants d'Abobo. «On sait que Gbagbo ne sera pas assez stupide pour faire tirer sur un appareil de l'ONU», rigole Fofana. Comme lui, les responsables de l'Onuci semblent ne pas prendre les menaces du président sortant très au sérieux. Jeudi, l'ONU a annoncé son intention de poursuivre ses vols normalement, tandis que Paris jugeait la décision du président sortant «nulle et non avenue».





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